L’Ape musicale

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Don Giovanni: lumière aveuglant et coup de pistolet

par Susanne Krekel

Théâtre au Gärtnerplatz de Munich, le 19 juin 2022 - Le Gärtnerplatztheater reprend ces jours-ci sa production de 2017 du Don Giovanni de Mozart. Nous sommes allés curieux, nous sommes sortis convaincus. Pour sa mise en scène, Herbert Föttinger a opté pour une version ‟moderne”. Pas de manteau et épée donc, mais un pistolet et un habit de ville pour Don Giovanni, hoodie et laptop pour Leporello - et cela fonctionne. La mise en scène suit de près la musique, que ce soit dans les ambiances, qui se font de plus en plus sombre, ou dans les mouvements de scène qui riment avec les rythmes de la musique.

Walter Vogelweider signe une scénographie minimaliste et efficace. Tout se passe à un carrefour dominé par trois immeubles aux grandes portes - entrées, sorties, jeux de cache-cache, fort utiles, ces portes. Certains détails vont indiquer des scènes d’intérieur, quelques fauteuils par-ci, par-là et surtout l’immense chandelier chez Don Giovanni. S’y ajoutent deux grands horloges lumineux sans aiguilles, un crucifix, plus tard un tas de sacs poubelle et d’autres détails fort symboliques. Les costumes d’Alfred Mayerhofer, où dominent les couleurs sombres - à l’exception de Donna Elvira qui porte une robe rouge, et des jupes roses et rouges dont sont affublés les participants des festivités de l’Acte II - et les lumières (Michael Heidinger) sont tout aussi efficaces, et le tour est presque joué.

Le Gärtnerplatztheater dispose d’un ensemble magnifique, et la distribution de la soirée est donc parfaite.

Lors de l’ouverture, nous voyons le carrefour des destinées, et Don Giovanni dans une ruelle fumant une cigarette irrespectueuse face au Crucifié - plus tard c’est le commandeur qui prendra cette forme-là. Déjà nous avons compris, cet homme ne respecte rien ni personne, et son comportement face à Donna Anna et son père le confirmera dans un instant. Et pourtant, son élégance insolente et sa désinvolture fascinent toutes les femmes sur son chemin. Ainsi, nous voyons une Donna Anna plus que consentante, une Zerlina idem. Mathias Hausmann incarne ce Don Giovanni : Avec sa verve habituelle, sa voix flexible, cajolante avec Zerlina, impérieuse face à Leporello, il est convaincant jusqu’au bout des doigts. Face à lui, le Leporello de Timos Sirlantzis est charmant et comique, sa voix de baryton basse chaleureuse et puissante. Il nous rappelle que la pièce est après tout un dramma giocoso, et que nous ferions bien de ne pas trop le prendre au sérieux. Drôle aussi, au premier abord, Donna Elvira, qui entre en scène accompagnée par trois servantes et une multitude de valises à roulettes qui vont servir de sièges par la suite à Donna Elvira et Leporello. Si on voit en lui d’abord l’archétype de la femme jalouse, hystérique et ridicule, on finira par comprendre que c’est elle seule qui aime réellement Don Giovanni. Telle n’importe quelle personne liée à une victime d’une quelconque dépendance, elle va essayer de le convaincre de se libérer, désemparée face à son amour et l’énormité de sa tache. C’est Maria Celeng qui l’incarne et elle est époustouflante avec sa voix ample, chaleureuse, généreuse, et son jeu de scène expressif et cohérent. Tout aussi magnifique Jennifer O’Loughlin dans le rôle de Donna Anna. Sa voix claire et brillante va à merveille avec cette jeune femme, tiraillée entre sa fascination pour Don Giovanni et son devoir envers son père et son fiancé Don Ottavio. Si Don Giovanni n’avait pas tué son père, elle aurait pu venir grossir les rangs des délaissées telle Donna Elvira. Mais suite à ce meurtre, elle se résout finalement à tout raconter à Don Ottavio, sans pour autant laisser transpirer ce qui s’est réellement passé entre Giovanni et elle. Pendant toute cette scène, nous pouvons voir Don Giovanni qui épie à l’arrière-plan, et lorsque Don Ottavio chante son amour pour Anna dans son air ‟Dalla sua pace”, il s’approche, observe, apparemment perplexe, tel un chercheur observant une espèce inconnue - le sentiment dont parle Ottavio, interprété à merveille par Gyula Rab - l’amour, lui est manifestement inconnu. En effet, Mathias Hausmann convainc aussi quand il ne chante pas. La troisième victime de Don Giovanni est la jeune Zerlina, incarnée ce soir à merveille par Sophie Mitterhuber. Jeune, jolie, vivace, spirituelle, avec son soprano léger et pétillant, elle transmet toutes les facettes de son personnage, elle chante avec brio et juste ce qu’il faut de tendresse et ironie les deux airs qu’elle adresse à son fiancé Masetto. Celui-ci est tout aussi merveilleusement interprété par Alexander Grassauer. Voix de baryton basse ample et puissante, présence scénique inébranlable, il rugit de colère face aux insolences de Don Giovanni et se laisse cajoler par Zerlina.

Anthony Bramall à la tête de l’orchestre du Theater am Gärtnerplatz fait avancer le drame, tient le tout et le rythme, fait monter l’intensité vers les finales furieux. C’est en retenant notre souffle que nous suivons le dernier repas de Don Giovanni, la visite du spectre du commandeur, chanté hors scène par Sava Vernić, avec une basse claire et profonde, et ses injonctions au repentir - ‟Pentiti!” - ‟No!” - ‟Pentiti!” - ‟No!” et tout d’un coup nous voyons en Don Giovanni nous tous, l’humanité à l’aube de son autodestruction. Tout comme Don Giovanni, nous avons tué et violé, arrogants comme lui nous nous croyons au-dessus des lois de la nature, et tout comme lui, nous refusons catégoriquement de changer notre vie, quitte à disparaître. Don Giovanni se tue avec la même arme qui avait tué le commandeur, dans un flash de lumière aveuglant et un coup de pistolet fortissimo, et tout devient noir. Choc, silence… On se serait passé du dernier sextuor cette fois, nous avions compris. Peu importe, nous avons assisté à une soirée de théâtre musical bien comme il faut, et les ovations debout étaient largement méritées.


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