L’Ape musicale

rivista di musica, arti, cultura

 

Indice articoli

Les monds du Hollandais

par Fabiana Crepaldi

São Paulo, 18 novembre 2023 - Après huit ans, Richard Wagner revient enfin sur la scène du Théâtre Municipal de São Paulo avec ce qui peut être considéré son premier drame: Der Fliegende Holländer(Le Vaisseau fantôme). L'œuvre clôt la saison lyrique 2023 du TMSP.

Le sujet, inspiré de Aus den Memoiren des Herren von Schnabelewopski (Mémoires du seigneur de Schnabelewopski) de Heinrich Heine, est bien connu : après avoir défié Dieu, le Hollandais est condamné à errer sur les mers jusqu'au Jugement dernier ou jusqu'à ce qu'il trouve le salut à travers l'amour d'une femme qui lui soit vraiment fidèle, au point de donner sa vie pour lui. Thème très germanique, défier Dieu et obtenir le salut par une femme prête à mourir rappelle le Faust de Goethe.

En termes musicaux et structuraux, le Vaisseau fantôme opère une transition - en fait, une véritable révolution - entre le modèle d'opéra italien du belcanto et le drame wagnérien. Dans le Vaisseau, les personnages et les situations sont marqués musicalement par un thème – un leitmotiv – mais, à l’inverse de ce qui se passera dans les œuvres ultérieures de Wagner, ces thèmes restent plus ou moins constants tout au long de l'œuvre.

L'affirmation – plusieurs fois répétée – selon laquelle le Vaisseau est quasiment un opéra italien doit donc être considérée avec méfiance. L'ouverture, par exemple, introduit les thèmes de l'opéra, ce qui se produit effectivement dans de nombreuses ouvertures italiennes. Toutefois, l'environnement sonore est bien éloigné de celui des opéras italiens. Par ailleurs, l’ouverture résume tout le drame de l’opéra qui ne fait que commencer.

Le metteur en scène, Pablo Maritano, a pris le parti judicieux d'illustrer cette histoire avec des gravures que Gustave Doré a réalisées pour le poème The Rime of the Ancient Mariner. Ce poème de Samuel Taylor Coleridge raconte l'histoire d'un marin qui, sans raison, tue l’albatros qui suivait le navire, entraînant, non seulement sa perte, mais aussi celle de son vaisseau et de tout son équipage.

Maritano a utilisé l'esthétique du roman graphique pour raconter l'histoire du Hollandais errant : un roman graphique noir, avec des images en noir et blanc, laissant l'action théâtrale immergée dans les projections intéressantes, bien que parfois excessives, de Matías Otálora. Film et théâtre se mélangent ainsi à la manière des mises en scène de Davide Livermore.

En ce qui concerne la scénographie, des structures bien conçues de Desirée Bastos s’alternent sur scène. Au Premier Acte, une sorte de pont, qui monte et qui descend (non sans faire bruit), traverse la scène. Le Deuxième Acte s’ouvre sur une simple salle en forme de trapèze où chantent les fileuses.

Les personnages – et les situations qui les entourent – peuvent être divisés en trois catégories : ceux qui appartiennent à un monde matériel, avec un chant plus proche du style italien traditionnel (Daland, le Pilote, Mary et les chœurs masculin et féminin) ; et ceux qui sont plus liés à un monde idéal ou fantastique et qui présentent déjà le nouveau style de chant wagnérien (le Hollandais et Senta). Un seul personnage fait exception : Erik n'appartient à aucun de ces deux mondes, mais fait le lien entre eux, il occupe vocalement une position entre les deux. Les costumes de Desirée Bastos, bien que parfois discutables, ont globalement contribué à faire la distinction entre ces groupes.

Maritano expose ces éléments d'une manière intelligente. Si l'opéra commence par des structures concrètes et bien définies – avec les marins, lanternes à la main, éclairant l’obscurité, le Hollandais arrive en contre-jour dans une boîte blanche et abstraite : il est l’ombre. Au deuxième acte, le plus inspiré de la production, Senta chante sa ballade dans le même environnement où les femmes filaient, mais elle est clairement absente, dans l’obscurité, tenant un livre qui l'illumine. Lorsque Senta rencontre le Hollandais, la scène devient sombre avec des points lumineux et ils semblent flotter dans l'espace, tandis que des caméras projettent leurs visages : tout est déformé, éthéré, idéal ; rien n'est physique, palpable. À l'arrivée de Daland, la magie se dissipe, ils reviennent sur Terre et la pièce où ils se trouvaient réapparaît.

Au troisième acte, Maritano opte cependant pour une solution trop concrète pour la confrontation entre Erik et Senta et, surtout, pour la mort de Senta. Erik la menace avec un couteau, qui se retrouve par terre pour qu’elle puisse ensuite l'utiliser pour se suicider et rejoindre le Hollandais. Senta sort ainsi de l'environnement abstrait et idéal dans lequel elle se trouvait jusqu'ici (et qui avait bien fonctionné) : elle est maintenant représentée comme quelqu'un qui tente de mettre fin à ses jours par fanatisme un peu maladif – précisément ce que Wagner ne souhaitait pas pour son personnage.

Senta est le point de départ et la flamme scénique de l'opéra, la jeune femme idéaliste et ardente qui vit dans un univers fantastique. Le rôle était écrit sur mesure pour la soprano Wilhelmine Schröder-Devrient, qui avait fortement impressionné Wagner, grâce à sa capacité à transcender la musique par son talent d'actrice. Il est intéressant de rappeler que dans Tannhäuser, l'opéra suivant de Wagner, figure également une femme rédemptrice - Elisabeth - mais le rôle écrit pour Schröder-Devrient était différent : la brûlante et séduisante Vénus. Senta est donc une sorte d'Elisabeth dans la peau de Vénus : elle a l'amour pur d'Elisabeth et la flamme de Vénus. Vocalement, c'est un défi énorme, avec des sauts et une tessiture exigeante de deux octaves, et l'interprète doit chanter tout cela en agissant et en luttant contre un orchestre fort et dense.

Eiko Senda a vraiment incarné Senta, à la fois scénique et vocalement, et le chant wagnérien : des aigus frappants et précis, issus d'une tension musicale et scénique enflammée ; un chant parfaitement idiomatique, où l'on sentait la puissance de la parole. Il est vrai que ce n'était pas un chant dépourvu de difficultés pour elle. Au contraire : par moments, elle semblait à la limite de ses forces, mais c'est justement pour cela qu'elle était incandescente. Son interprétation a été particulièrement heureuse au troisième acte : dès le début, elle semblait déjà être dans une autre dimension ; tandis qu'Erik chantait, suppliait, elle n'entendait manifestement rien, elle n'était plus là, elle était déjà partie pour le monde surnaturel.

Le Hollandais appartient aussi au monde des abstractions et à la naissance du chant wagnérien. C’est un personnage si abstrait qu'il n'a même pas de nom et qui est symbolisé musicalement par une quinte à vide. Pour la première fois, un chanteur devait soutenir, contre l'océan sonore produit par l'orchestre, à la fois les notes basses et profondes et les notes aiguës d'un baryton. La voix de Johann Michael Wächter, le créateur du Hollandais, faillit y laisser sa voix lors de la première de l'opéra, et il répond aux critiques de Wagner en s'attaquant à la nouveauté de l'écriture du rôle : « Aucune voix au monde n'est faite pour le chanter ! » Outre la difficulté vocale, le néerlandais exige un tempérament à la fois explosif, héroïque et mélancolique, énigmatique.

Rodrigo Esteves semble avoir véritablement incarné le Hollandais lors du grand soliloque de la première scène, qui culmine dans « Vain espoir ! Terrible illusion ! » Comme prescrit par Wagner, c'est à ce moment-là que le Hollandais d'Esteves a libéré « toute la force de son désespoir ». Une partie de l'énergie du chanteur s'est cependant épuisée là : le reste de sa prestation, bien qu'il ne souffre pas du même mal que le créateur du rôle, n'a pas été à la hauteur, scéniquement et surtout vocalement, de cette scène initiale.

Erik - une création de Wagner qui ne figure pas dans l'œuvre de Heine - n'est pas un pêcheur comme les autres : c'est un chasseur, ce qui en fait un personnage à part. Il a des moments de ténor lyrique, comme sa cavatine, et d'autres de ténor héroïque, lorsqu'il doit affronter un très grand orchestre. Nous avons eu la grande chance de voir dans ce rôle le ténor brésilien Ewandro Stenzowski, qui a une carrière en Europe mais qui n'a jamais chanté à São Paulo. Avant d’y venir, Stenzowski avait interprété le même rôle à Erfurt, en Allemagne. Il est vrai que sa voix présente quelques signes de fatigue, mais cela ne l'a pas empêché de livrer un Erik de grande qualité, avec un phrasé élégant et sans exagération.

Passant au monde purement matériel, Daland, le père de Senta, se démarque. Il vend littéralement sa fille à un étranger en pensant qu'il fait le meilleur pour elle, ce qui renforce la différence entre le monde idéal et le matériel, commercial. Basse chantante, il est un père de famille traditionnel, qui mérite un chant élégant et sobre, comme celui du brésilien Luiz-Ottavio Faria. Le Pilote – sur lequel Jean-Jacques Groleau écrivait dans le numéro 30 de l'Avant-Scène Opéra que « le ténor que l’on disait jusqu’alors ténor de grâce se meut désormais en ténor de mélancolie » – a été confié à Giovanni Tristacci, qui l'a interprété avec jovialité et d'une voix lumineuse et volumineuse. Le Théâtre Municipal a voulu rendre hommage à la mezzo-soprano Regina Elena Mesquita, en lui attribuant le rôle de Mary, la nounou de Senta.

Les chœurs d'hommes et de femmes, appartenant tous deux au Chœur lyrique municipal et préparés par Mário Zaccaro, se sont bien produits. Wagner a posé quelques défis au chœur de femmes, comme le chant aigu et le piano, l'un des échos clairs de la Neuvième Symphonie de Beethoven, où le chœur a eu de légers problèmes de justesse.

Dirigé par Roberto Minczuk, le chef titulaire, malgré quelques problèmes occasionnels avec les cuivres et les bois, l'Orchestre symphonique municipal s'est généralement bien présenté, produisant un son engageant, avec des tempos et des dynamiques très appropriés.


Vuoi sostenere L'Ape musicale?

Basta il costo di un caffé!

con un bonifico sul nostro conto

o via PayPal

 



 

 

 
 
 

Utilizziamo i cookie sul nostro sito Web. Alcuni di essi sono essenziali per il funzionamento del sito, mentre altri ci aiutano a migliorare questo sito e l'esperienza dell'utente (cookie di tracciamento). Puoi decidere tu stesso se consentire o meno i cookie. Ti preghiamo di notare che se li rifiuti, potresti non essere in grado di utilizzare tutte le funzionalità del sito.